Christie Morreale | Agriculture bio, attention aux dérives !
Vice-Présidente du Gouvernement wallon, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Egalité des chances et des Droits des Femmes
6153
post-template-default,single,single-post,postid-6153,single-format-standard,theme-stockholm,qode-social-login-1.0.2,qode-restaurant-1.0,woocommerce-no-js,ajax_fade,page_not_loaded,,select-theme-ver-4.7,vertical_menu_enabled, vertical_menu_transparency vertical_menu_transparency_on,wpb-js-composer js-comp-ver-5.7,vc_responsive

Agriculture bio, attention aux dérives !

Question d’actualité à M. Collin, Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Ruralité, du Tourisme et des Aéroports, délégué à la Représentation à la Grande Région

Monsieur le Ministre, lors de la dernière session au sein de ce Parlement, j’ai examiné avec vous l’importance d’aborder sans prétention, mais avec l’importance que cela nécessitait, les alternatives à l’agriculture intensive industrielle.

Il est vrai que l’agriculture biologique est une voie dans laquelle on peut s’inscrire, mais l’agriculture biologique repose sur une philosophie, celle qui consiste à dire que l’on respecte l’environnement, le fil des saisons, une production qui soit une production courte et aussi des revenus vis-à-vis de nos producteurs, des revenus qui soient décents.

Or, le reportage de Questions à la Une évoquait des dérives en matière d’agriculture biologique. Il est vrai que c’est un secteur économique en plein développement qui peut dès lors attirer toutes les convoitises avec, du coup, dans nos rayons, des pommes qui viennent de Nouvelle-Zélande ou des tomates en décembre qui viennent de serres en Espagne, par exemple, avec une empreinte carbone qui évidemment dramatique.

Monsieur le Ministre, vous qui êtes en charge de l’Agriculture, je voulais aborder avec vous la manière dont vous envisagez de pouvoir mettre des normes dans l’agriculture biologique pour éviter les dérives avec lesquelles nous sommes en désaccord par rapport à l’agriculture intensive. Je ne parle pas de l’agriculture qui s’inscrit dans la lutte intégrée, l’agriculture traditionnelle, mais de celle qui est intensive. On est dans un autre paradigme et il ne faudrait pas que l’on retombe dans certains travers. Je pense aussi, par exemple, au low cost, à la Fédération wallonne des agriculteurs. Certains agriculteurs dits « bios » disaient : « Attention, si on brade nos prix, on va tomber dans les mêmes difficultés face auxquelles les agriculteurs du conventionnel se trouvent, à savoir qu’ils vendent des produits en deçà de ce qu’ils leur coûtent ». Nous devons donc anticiper ces problèmes et essayer de trouver des solutions pour que l’agriculture biologique respecte sa philosophie de base. Je souhaite donc vous entendre sur cette question. Merci Monsieur le Ministre.

Réponse :

Mesdames et Messieurs les députés, pour celles et ceux qui n’auraient pas vu cette émission, je voudrais tout de même préciser qu’elle a été intégralement tournée en France, ce qui n’enlève rien à la pertinence de vos interrogations.
Le bio, c’est d’abord un cahier des charges qu’un producteur doit respecter s’il veut obtenir le label. À côté de cela, il peut y avoir une philosophie, mais c’est une réglementation, un cahier des charges. C’est aussi quelque chose de différent de ce qu’on appelle le caractère équitable. Très souvent, nos produits bios ont un caractère équitable, il comporte ce qu’on appelle le prix juste. Souvent, ils bénéficient aussi de ce que l’on peut qualifier de traçabilité, puisque essentiellement, les productions bio sont valorisées à travers les circuits courts.
Que fait-on ? C’est d’abord essayer de préserver le label agriculture biologique dans sa substance. C’est un combat politique difficile puisque cela fait maintenant 1,5 an qu’il y a un débat trilogique entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil des ministres, parce qu’il y a une velléité de pas mal de pays de desserrer les conditions, de veiller à ce que finalement l’on puisse remettre sur le marché des produits décertifiés, mais qui trouveraient une excuse ; alors que nous pensons, au contraire, avec nos producteurs, qu’il faut maintenir de la rigueur. La crédibilité du bio, c’est veiller à maintenir un cahier des charges strict et à ne mettre sur le marché que de vrais produits de l’agriculture biologique. Le Conseil européen du 12 décembre n’a pas encore abouti à un accord, parce que nous sommes quelques-uns à nous opposer à une forme de laxisme revendiquée par d’autres.
Ce qui est très important au niveau du devenir économique du bio et en même temps du respect des consommateurs, c’est que dans l’objectif d’accroissement de la part du bio, qu’effectivement nous cherchons et que nous voulons obtenir – j’ai cité des chiffres, 1 350 producteurs bios fin de l’année dernière, nous en souhaitons 2 000 en 2020, c’est tout à fait possible, mais on y arrivera –, il faut en même temps qu’il y ait la constitution de filières. Il y en a déjà pas mal. Il faut que les filières soient là pour la transformation et surtout la valorisation. Il faut aussi que le producteur ait une véritable maîtrise par rapport au prix. C’est cela qui assurera l’avenir économique du secteur biologique. Je prends deux exemples. Le secteur du lait, où il y a une forte demande de lait bio au niveau des laiteries et au niveau de la transformation, il faut que l’on puisse répondre à cette demande puisque, pour le moment, on importe beaucoup trop de produits de l’étranger. Il faut créer des filières pour assurer une valorisation le plus souvent possible en circuit court. C’est la même chose par rapport aux œufs bio. Il y a eu une croissance très forte entre 2014 et 2015. Malgré cela, on importe encore beaucoup trop d’œufs de l’étranger. Ce qu’il faut, c’est que le consommateur, s’il a envie de consommer bio, achète de préférence des produits bio, mais surtout – qu’il choisisse du bio ou du conventionnel – qu’il achète des produits de chez nous. Là au moins, il a la garantie de leur durabilité et la garantie que les producteurs sont au moins considérés par nos propres filières de commercialisation et de transformation.

Mme Morreale – Merci, Monsieur le Ministre, pour vos réponses. C’est vrai que, si l’on veut s’inscrire dans le bio, ce n’est pas à n’importe quel prix. Ce n’est pas au prix uniquement de la santé humaine. Vous savez à quel point je tiens à ce que l’on utilise moins de produits phytos, voire qu’on les supprime partout où cela est possible. Il est également question d’une philosophie environnementale, des conditions de travail pour nos agriculteurs. Il s’agit, en effet, à ce dernier égard, de faire en sorte qu’ils puissent travailler dans des conditions dignes et tirer des revenus de leur travail. Il s’agit également de s’inscrire dans la voie, je pense, que le Gouvernement a choisie, notamment avec la ligne budgétaire que Jean-Claude Marcourt a engagée pour des hangars de transformation. Je suis allée, il y a quelques semaines, à Mortier, près de Blegny, où Les Compagnons de la terre vont organiser un grand hangar avec une sorte de coopérative intégrant des agriculteurs locaux, qui vont travailler dans le respect de la terre, principalement dans le bio, pour essayer d’offrir, dès la transformation, une valeur ajoutée économique. Je pense aussi qu’il faut informer les consommateurs. C’est notre travail de parlementaire, c’est aussi le travail du Gouvernement. C’est aussi – et je voudrais le saluer – le travail du journalisme d’investigation de qualité et celui de la société civile, d’associations environnementalistes et de consommateurs. J’espère que, ensemble, nous arriverons à faire en sorte que, quand on arrivera à changer ce paradigme vers une agriculture qui soit plus respectueuse de l’environnement, on le fasse sans les travers de l’agriculture conventionnelle.