Christie Morreale | Unité Anti-Braconnage, un changement de hiérarchie qui pose des questions
Vice-Présidente du Gouvernement wallon, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Egalité des chances et des Droits des Femmes
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Unité Anti-Braconnage, un changement de hiérarchie qui pose des questions

Question orale destinée à Monsieur le Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région

« Restructuration de l’Unité Anti-Braconnage »

M. Hazée (Ecolo). – Monsieur le Ministre, je vous ai interrogé à plusieurs reprises sur la volonté du Gouvernement de regrouper au sein du Département de la nature et des forêts les agents de l’Unité anti-braconnage.

Après avoir laissé penser qu’il existait deux options, vous avez précisé, lors des derniers échanges, qu’il n’existait en fait qu’un seul scénario, à savoir le regroupement au sein du DNF et sous la tutelle de l’inspecteur général et vous avez écarté l’option d’une réorganisation plus large de la DGO3.

Ce projet continue néanmoins de susciter des inquiétudes importantes, en particulier au sein des associations engagées dans la protection de l’environnement et de la nature. Ce sont d’ailleurs elles qui se sont récemment exprimées. En effet, Inter-Environnement Wallonie, la Ligue de protection des oiseaux, le WWF et Natagora, rien de moins, ont donné ensemble de la voix, ont dénoncé ce projet et ont indiqué qu’il ne répond, à leurs yeux, à aucune nécessité.

Comme nous l’avons fait, du reste, elles ont constaté, notamment sur base du dernier rapport sur l’état de l’environnement wallon, que l’UAB atteignait d’excellents résultats. Elles estiment que « l’Unité a clairement rempli sa mission initiale puisque le braconnage à grande échelle a été éradiqué ». Elles constatent ensuite que « l’UAB s’est ensuite adaptée aux nouveaux enjeux, notamment les dérives en matière de chasse, qui mettent à mal la régénération forestière et sa biodiversité, et que ce service a aussi développé avec succès ses missions au bénéfice de la conservation de la nature, comme le montre l’augmentation des infractions relevées en cette matière ». Encore il y a deux semaines, d’ailleurs, ce sont 670 oiseaux qui ont été confisqués pour cinq domiciles visités en région verviétoise, en une seule journée.

Les associations ajoutent encore – et c’est d’ailleurs un élément peu abordé jusqu’ici – que l’UAB a également contribué à la professionnalisation des missions de contrôle du DNF, notamment au travers de formations, un soutien dans les dossiers plus complexes, et cetera.

En bref, elles estiment que l’UAB doit impérativement conserver son autonomie et son indépendance par rapport à une administration, le DNF, qui est proche des propriétaires et gestionnaires à travers les missions qui lui sont confiées.

Selon ces observateurs privilégiés de ces enjeux – l’enjeu de la biodiversité n’est pas un petit enjeu, qui évolue d’ailleurs fort mal à l’échelle macro – la qualité du travail de l’UAB résulte de sa position au sein même de l’administration, une direction au sein du Département de la police et des contrôles sans relation avec les acteurs de terrain, que ce soit la gestion des forêts ou les agriculteurs ou encore les propriétaires terriens.

Elles soulignent ainsi que « l’UAB ne travaille pas pour eux, ne les conseille pas, ne leur remet pas d’avis dans le cadre de leur demande de permis et ne leur octroie ni autorisation, ni dérogation, ce qui conduit à une distance qui facilite sa mission de contrôle et de répression et qui garantit un suivi objectif des infractions constatées en concertation avec l’administration compétente. Le fait que l’UAB travaille en étroite collaboration avec les procureurs contribue à une analyse indépendante des questions jurisprudentielles, telles que, récemment, la légalité de la chasse à l’arc. La situation actuelle garantit la séparation des rôles, ce qui est essentiel en termes de gouvernance et est particulièrement important aux yeux de nos associations environnementales. »

Elles ont également formulé un certain nombre de propositions alternatives pour améliorer la recherche, le constat et la répression des infractions. Ainsi, ont été évoquées : l’adoption par le DNF d’une vision et d’une politique en termes de recherche et de répression des infractions ; la déterritorialisation des missions de contrôle réalisées par le DNF et la spécialisation de certains agents ; la fusion de l’URP, l’Unité de répressions des pollutions, qui est également présente au sein du DPC, et de l’UAB.

Dès lors, Monsieur le Ministre, mes questions sont les suivantes.

Comment a évolué votre réflexion à ce sujet ?

Quelle est finalement votre analyse de cette prise de position très charpentée et très argumentée des acteurs de la protection et de la conservation de la nature que sont incontestablement ces associations ?

Le Gouvernement, au bout du compte, est-il prêt à prendre le temps de la réflexion ?

Le Gouvernement, plus encore, est-il prêt à considérer ces pistes alternatives qui ont été formulées pour renforcer la recherche, le constat et la répression des infractions ?

Enfin, en termes méthodologiques, des contacts ont-ils été prévus avec les procureurs du Roi afin de les associer à cette recherche d’efficacité ?

M. le Président. – La parole est à Mme Morreale.

Mme Morreale (PS). – Monsieur le Ministre, il y a quelques semaines, vous avez annoncé votre volonté de restructurer l’Unité anti-braconnage en l’intégrant au sein du Département de la nature et des forêts.

Plusieurs associations environnementales et de protection de la nature – on les a citées : Inter-Environnement Wallonie, WWF, Natagora et la Ligue royale belge de protection des oiseaux – ont exprimé que la concrétisation de cette mesure ne répond à aucune nécessité, le dernier rapport sur l’état de l’environnement wallon mettant en avant les excellents résultats de l’UAB.

Les associations estiment que l’UAB doit impérativement conserver son autonomie et son indépendance par rapport à une administration, en l’occurrence le DNF, proche des propriétaires et gestionnaires à travers les missions qui lui sont confiées.

Cette Unité anti-braconnage a été créée en 2003 pour lutter contre le braconnage industriel qui sévissait à l’époque. Elle a effectivement rempli sa mission initiale, puisque le braconnage à grande échelle semble avoir été éradiqué. Elle s’est ensuite adaptée aux nouveaux enjeux, notamment les dérives en matière de chasse qui mettent à mal la régénération forestière et sa biodiversité. Ce service a aussi développé, avec succès, ses missions au bénéfice de la conservation de la nature, comme le montre le nombre des infractions relevées en cette matière. Enfin, l’UAB a contribué à professionnaliser les missions de contrôle du DNF, notamment au travers des formations, un soutien dans les dossiers plus complexes, et cetera. Le nombre de procès-verbaux dressés par le DNF est, en effet, en augmentation constante et ceux-ci font de plus en plus l’objet de suites judiciaires et administratives.

Étant fermement opposées au démantèlement de l’UAB, les associations souhaitent avant tout le renforcement de cette unité. Les associations suggèrent d’envisager d’autres pistes pour améliorer la recherche, le constat et la répression des infractions. Je pense qu’elles ont été constructives, qu’elles ont travaillé à mettre plusieurs pistes sur la table.

Monsieur le Ministre, allez-vous recevoir les associations naturalistes et entamer la discussion et la concertation avant de prendre cette décision ? N’estimez-vous pas important que l’UAB conserve son indépendance hiérarchique par rapport au DNF ?

M. le Président. – La parole est à M. le Ministre Collin.

M. Collin, Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région. – Madame et Monsieur les députés, je vous rappelle que les gardes forestiers de l’UAB et du Département de la nature et des forêts sont des préposés forestiers tels que cela est précisé dans l’arrêté du Gouvernement wallon du 17 septembre 2015 relatif aux dispositions spécifiques applicables au DNF. Ils ont donc des compétences identiques pour la recherche et la constatation des infractions portant atteinte aux propriétés rurales et forestières ainsi qu’au patrimoine naturel.

En application du Code d’instruction criminelle, la police judiciaire est exercée sous l’autorité des cours d’appel et les garde-forestiers, tant du DNF que de l’UAB, sont tous, comme officiers de police judiciaire, sous la surveillance du procureur du Roi sans préjudice de leur subordination à l’égard de leur supérieur dans l’administration.

C’est d’ailleurs dans ce contexte que les contacts étroits sont entretenus très régulièrement entre l’administration forestière et les différents parquets des arrondissements judiciaires de Wallonie et qu’une réunion annuelle est organisée sans distinction de service avec le Collège des procureurs généraux afin de coordonner au mieux la politique répressive vis-à-vis des infractions environnementales de toute nature.

La question relative à l’Unité anti-braconnage intègre une sphère de réflexion plus générale quant à l’organisation future de la DGO3 et n’est pas consécutive – comme j’ai pu le lire – à une intervention menée par l’UAB sur un territoire de chasse géré, je cite, « par un entrepreneur wallon bien connu ».

Je le répète encore une fois, je l’ai déjà dit plusieurs fois et pour être totalement clair, la restructuration envisagée ne consiste pas en un démantèlement de l’UAB, ni d’ailleurs les missions de police judiciaire du DNF en général.

La seule chose, c’est qu’il y a une nécessité de revoir l’encadrement hiérarchique et la coordination des missions de police de tous les agents forestiers. C’est dans cette optique que tous les gardes forestiers wallons du DNF et de l’UAB seront placés sous l’autorité hiérarchique de l’inspecteur général du DNF, le plus haut fonctionnaire de l’administration forestière wallonne, dans une optique d’optimisation de la coordination des missions de police des agents au sens de l’article 3, 1° du 15 juillet 2008 relatif au Code forestier, dont les agents wallons commissionnés et assermentés en qualité de garde forestier.

Si les associations environnementales et de protection de la nature semblent sacraliser le travail de l’UAB en sous-entendant que le DNF n’est pas à même de conduire efficacement les missions de contrôle et de police qui lui sont conférées – passant sous silence, par exemple, tout le travail du service de la pêche du DNF dans le cadre du plan Police-pêche –, je dois rappeler ici que tous les agents au sens de l’article 3 du Code forestier reçoivent une formation identique de style missions de police par des moniteurs qui, tant pour l’UAB que le DNF, ont reçu une même formation poussée organisée au sein de la police intégrée.

Je veux souligner le professionnalisme et la qualité du travail journalier au service de notre patrimoine naturel de tous les fonctionnaires de l’administration forestière des services centraux extérieurs et de la pêche sans distinction qu’ils aient qualité d’ingénieurs de la nature et des forêts ou de préposés de la nature et des forêts.

Je compte bien sûr organiser une réunion avec plusieurs associations pour leur préciser qu’il n’a jamais été envisagé de modifier ou de restreindre les missions de l’UAB ou encore de démanteler l’UAB.

M. le Président. – La parole est à M. Hazée.

M. Hazée (Ecolo). – Trois réflexions. Premièrement, je suis retourné à la Déclaration de politique régionale et celle-ci prévoyait : « de fixer des priorités d’action dans la politique criminelle environnementale en réunissant et coordonnant les acteurs publics concernés ».

Ici, on fait tout le contraire, on prend le risque de déstructurer et d’affaiblir un service qui fonctionne avant d’établir la moindre priorité d’action sur le plan de la politique criminelle et sans aucune concertation avec les acteurs intéressés.

Deuxièmement, il ne s’agit bien évidemment pas de dénigrer le travail du DNF lorsque les craintes ou les inquiétudes vives sont exprimées à l’égard de ce projet du Gouvernement. Il s’agit de voir quels sont les éléments organiques sur lesquels peut se fonder une politique de recherche, de constat et de répression des infractions qui soient efficaces, et notamment cette autonomie, et notamment cette indépendance par rapport à une hiérarchie, et notamment cette distance par rapport à ceux qui ont des contacts réguliers – non pas parce que c’est mal, mais parce que c’est leur métier – avec un certain nombre d’utilisateurs au sens large des forêts et de la nature, de la même manière que ce lien rapproché qui existe aujourd’hui avec les services des procureurs du Roi.

Troisièmement, nous avons là une série d’associations environnementales qui s’expriment de manière unanime et ce n’est pas anodin. Si l’objectif du Gouvernement est de renforcer la recherche, le constat et les répressions des infractions, cela ne doit pas être très difficile de former un consensus avec les acteurs intéressés sur cet enjeu. Si l’objectif est effectivement de renforcer l’efficacité dans la recherche, dans le constat et dans la répression des infractions, réunissez alors une table ronde avec ces acteurs intéressés, avec les procureurs du Roi pour, à un moment donné, voir quels moyens permettent effectivement d’atteindre cet objectif plutôt que de le faire contre ces acteurs ou en leur absence et avec ces doutes importants qui continuent à animer le dossier.

Aujourd’hui, vous nous dites que tout ceci n’a rien à voir avec des faits intervenus en décembre 2017 dans la région de Paliseul ou aux alentours. Je suis content de l’apprendre, parce que c’était une hypothèse que j’avais moi-même évoquée lors d’un premier questionnement il y a quelques mois, ici, dans cette commission et vous n’avez rien dit sur ce terrain-là. Je note néanmoins que le développement de ce dossier donne lieu aux hurlements de joie de M. Mouyard et l’on voit bien le contexte dans lequel cela peut intervenir.

M. le Président. – La parole est à Mme Morreale.

(Réactions dans l’assemblée)

Mme Morreale (PS). – Monsieur le Ministre, je note l’idée que vous considérez que les associations sacralisent l’activité de l’UAB. Je pense qu’elle ne doit pas être opposée à celle de la DNF.

Si l’on doit recontextualiser, je pense qu’il faut savoir que cette unité anti-braconnage a été créé en 2003 à l’initiative d’un ministre socialiste. Donc, à l’époque, c’est vrai, l’objectif, c’était de lutter contre les bandes organisées de braconniers qui sévissaient en Wallonie et je pense que, de ce point de vue là, on peut dire que le problème a disparu, mais que le maintien de l’UAB reste important.

Depuis plusieurs années, on a des acteurs institutionnels, comme la Cour des comptes ou la Police fédérale, qui mettent en évidence des difficultés de la Wallonie pour suivre efficacement les infractions environnementales. Il y a des points communs entre le fonctionnement de l’UAB et du département de la police et des contrôles. Les points communs, c’est que ni l’un ni l’autre n’ont de feuille de route. Si l’on donnait des missions claires aux uns et aux autres, on arriverait à une efficacité qui serait redoublée et pas qui s’entrechoquerait. C’est cela que l’on demande, c’est de maintenir l’UAB en lui assignant des missions spécifiques de lutte contre le braconnage et de préservation de la biodiversité. Il convient également qu’il y ait une meilleure collaboration entre le DNF et des forêts.

Aujourd’hui, on sait que le DNF manque de moyens humains à cause des choix budgétaires que votre Gouvernement pose, que dissoudre ou – bien plus pudiquement – dire que vous souhaitez réorganiser l’UAB permet de régler une partie du problème sans impact budgétaire puisque les agents de l’UAB sont détachés du DNF.

Nous nous opposerons donc à toute forme de dissolution de l’UAB et nous plaidons pour une définition claire de ces missions et pour une meilleure collaboration entre l’UAB et le DNF.

La question de l’UAB, on le sait, ce sont quand même des éléments un peu stratégiques aussi et je n’ose imaginer d’avoir deux ministres au sein du Gouvernement qui sont particulièrement sensibles à la tenderie ne penchent en faveur de vos déclarations.

(Réactions dans l’assemblée)

M. le Président. – La parole est à M. le Ministre Collin.

M. Collin, Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région. – Il faudra un jour que je donne un dictionnaire pour dire ce qu’est dissoudre. Dissoudre, c’est quoi ? Cela disparaît. L’UAB ne disparaît pas.